Analyse globale.
Dans ce morceau, Nekfeu nous explique, à l’aide d’une mise en abime de l’écriture, sa passion et son amour pour celle-ci. On pourrait voir « Écrire » comme une prolongation du morceau « Plume » dans lequel il dépeint également l’amour qu’il a pour son écriture, au point « d’épouser sa plume ».
À l’aide de ce morceau, Nekfeu va aborder des thèmes récurrents chez lui comme le système, le rapport à l’argent, la société actuelle,...
Premier couplet.
« Quand j'raconte l'espoir sous une lampe halogène, j'aimerais qu'mes élans parlent aux jeunes »
Une lampe halogène, par définition, est une lampe à incandescence et donc, une lumière non naturelle. Si Nekfeu se doit de raconter ses espoirs sous une lumière artificielle, à mon sens cela pourrait être pour deux raisons différentes:
La première, c’est la tendance que Nekfeu a à écrire la nuit. En effet, la nuit, il n’y a pas de lumière naturelle.
La seconde serait qu’il n’y a pas de lumière naturelle car on vit dans un monde de plus en plus sombre, mauvaise. Nekfeu évoque cette vision dans plusieurs sons comme « Malevil » par exemple.
Nekfeu aimerait que ce qu’il dit puisse parler aux jeunes qui l’écoutent, pour leur apprendre quelque chose, les aider etc.
« J'te parle de tout c'qui fait un homme, non pas nos gènes Non pas c'qu'on t'laisse voir mais tout c'qu'on t'cache quand ça nous gêne »
Pour Nekfeu, ce qui fait d’un homme, un homme, ce n’est pas son ADN mais ce qu’il a en lui, sa richesse intérieure. On retrouve cette idée notamment dans « Être humain »:
Bien qu’un être humain en possède les gènes, Nekfeu le distingue par son comportement, ce qu’il a en lui, ce qui rend rare de voir un être humain agir en tant que tel.
On peut aussi retrouver cette pensée dans « Sous les nuages »
On ne connaît jamais réellement quelqu’un, on le connaît de façade, de ce qu’il veut montrer.
« Auxquels on pense toute la noche, jambes allongées devant nos chaînes Cette impression de perdre son temps, s’étouffer dans cette vie toute faite»
Nekfeu joue ici sur le mot « chaînes » représentant à la fois les chaînes de télévision qu’il regarderait confortablement dans son canapé mais aussi les chaînes qui emprisonnent. Cette seconde interprétation se lie directement avec la phrase suivante: il est enchaîné dans une vie déjà toute faite où il ne se sent pas bien, qui l’étouffe.
C’est une pensée qu’il essaye de combattre, de changer comme il le dit dans « Tricheur », il essaye de changer de vie.
« Se sentant faible en sachant qu'la vie est une fête où personne danse »
Nekfeu compare sa vie à une fête ratée, où il n’y a pas d’ambiance. On peut y voir une référence à la phrase ouvrant le morceau « Risibles Amours » où Nekfeu y exprimait déjà son mal-être.
« Ma deuxième mère m'a dit : "C'est pas pour leur argent que les meilleurs prient" »
Nekfeu a déjà plusieurs fois évoqué une « deuxième mère », nomment dans une interview donnée à Rapelite.
« J'pleure celui qui meurt jeune mais encore plus celui qui meurt triste »
Pour Nekfeu, mourir triste est l’une des pires choses. Bien qu’il soit touché quand une personne jeune perd la vie, il se sent encore plus touché lorsque la personne décédée est morte dans la tristesse, car c’est généralement à cause d’un suicide. Nekfeu ayant déjà eu des pensées similaires, il doit sûrement être touché davantage en sachant que cette personne n’a pas réussi à s’en sortir.
« J'm'intériorise et j'me r'plie, les cris d'une jeunesse meurtrie Imprégnant mon humeur, j'vois les leaders imposer leur tri »
Nekfeu garde beaucoup de choses pour lui, ce qui le fait se replier sur lui-même. Quand il va mal, il n’en parle pas forcément. Il le dit notamment quelques lignes plus loin en disant:
Il poursuit ensuite en nous disant que malgré que cela ne le concerne pas, les appels à l’aide, les combats etc que mènent les jeunes et qui en souffrent ont un impact sur lui et imprègnent son humeur. Il remet la faut de ces combats notamment aux dirigeants de pays qui les imposent (exemple: le racisme banalisé.)
« Parfois j'me sens amoindri, mais quand j'fous la merde c'est à moi d'rire Tribu indestructible, j'redistribue mon esprit d'clan quand la street pleure »
Il arrive que parfois, il aille mal, comme il l’évoque juste au dessus, cependant, faire des bêtises lui remontent le moral, l’aide à rire. Ensuite, et non sans surprise, Nekfeu nous rappelle que lui et son équipe sont soudés au point d’être indestructible, et cet esprit d’équipe, il le transmet aux jeunes.
« Indescriptible est ma tristesse dans les strip-clubs (Toi) »
La présence du « toi » fait directement référence à son ex. Il explique que même en essayant de l’oublier en se entant dans des strip-clubs, il ne l’oublie pas et au contraire, souffre toujours.
« Prends soin d'toi d'où que tu sois, j'connais la soif du goût du sang Et quand ça chauffe chez toi, tu sors du coup victime du coup du sort»
Nekfeu s’adresse à son auditeur en lui rappelant e faire attention, que lui connaît la soif du goût du sang, probablement dans les bagarres auxquelles il a participé.
Nekfeu parle déjà de cette attitude bagarreuse notamment dans « Comme un grand » de 1995.
Dans « Reuf ».
Dans « la balade du Frémont »
Et même dans « Takotsubo » où il exprime l’envie d’un drame pour combler son ennui, pour ne citer qu’eux
De même, on peut lier cette soif du goût du sang au personnage Ken Kaneki, à qui il dédie un titre. En effet, Ken Kaneki étant une Ghoul, il se nourrit notamment de sang.
La seconde phrase, je la comprends comme: quand il y a des bagarres, des disputes, tu es juste victime du destin et tu ne pourras pas le changer.
« Y a plus beaucoup d'espoir dans toutes les zones qu'on a exclues »
Il parle ici des zones abandonnées par le système comme les banlieues, les quartier,... Ces zones ne pensent pas pouvoir s’en sortir, par manque de soutient.
« Les paysages sont désolés, pourtant les hommes n'ont pas d'excuses »
Les paysages perdent de plus en plus de leur splendeur, l’Homme détruit peu à peu la nature. Nekfeu joue sur le vocabulaire des excuses avec « désolé » qui peut signifier à la fois un regret, une excuse mais aussi un état éploré, triste en quelques sortes. Il exprime déjà cette vision dans « Avant tu riais ».
« Seul, j'pourrai pas m'en sortir, si j'y arrive, c'est par ton aide Si toi aussi, t'as ressenti qu'le corps et l’âme séparent ton être »
Nekfeu aborde ici le dualisme cartésien de l’âme et du corps.
« On m'a fermé des portes au nez, c'est pardonné, mais j'me suis pas r'tourné »
Dans cette phrase, Nekfeu aborde un sujet qu’il a déjà eu l’occasion d’aborder dans « Égérie ». En effet, certaines personnes lui ont refusé des opportunités, Nekfeu nous dit qu’il a pardonné ces personnes mais qu’il ne saisira tout de même pas ces opportunités s’ils lui représentent.
Ça peut aussi valoir pour des personnes qui l’auraient trahi, malgré le pardon qu’il leur accorde, il n’oublie pas et ne renouera pas de lien avec elles.
« Le système m'insupporte, j'suis un cyborg insubordonné Et parfois j'en ai marre de l'être, suspendu à des barbelés et quand tu veux rendre tout ce que t'as pris, tu finis par donner »
La première phrase fait une référence directe à « Cyborg » et les thèmes qu’il aborde dans cet album. Nekfeu n’est pas aussi obéissant qu’un cyborg Nekfeu a réussi à sortir de sa condition de base, il a réussi à être plus ou moins en marge du système qu’il déteste tant même si, parfois, il en a marre.
« Maint'nant j'sais qu'les forces s'équilibrent, j'oublie pas le pourboire pour mes jeunes défoncés qui livrent Nous on vient d'là, et c'est écrire qui nous a sauvé Alors maint'nant j'écris pour toi (Toi) »
Nekfeu vient d’un milieu assez modeste, il sait ce que sont les galères d’argent, mais il sait aussi que c’est en aidant qu’on peut équilibrer les forces, ce pour quoi, il « finit par donner » un pourboire, si on fait un lien avec la phrase du dessus. Il nous dit aussi que l’écriture l’a sauvé, c’est une question qu’il s’est pourtant posé en 3 étapes dans l’album:
- Dans « Les étoiles vagabondes »: Est-ce que le rap m’a sauvé ?
- Dans « Takotsubo »: Qui aurait pu prévoir que le rap me sauverait ?
- Et dans « Jeux videos et débats »: Tu crois encore que tu seras sauvé par le rap ?
Dans le Black Album, Nekfeu dépeint aussi sa vie sans le rap dans « J’aurais dû continuer le rap », où, à la fin, il se suicide. L’écriture l’a donc sauvé à la fois de la galère, mais aussi plus psychologiquement.
Il dit ensuite qu’il écrit pour « toi ». Cependant, même si l’écho du « toi » est utilisé normalement pour son ex, il me semble plus logique qu’ici, il désigne l’auditeur. Nekfeu écrit pour que son auditeur se sente compris, comme il le dit dan Όλά Κσλά.
C’est une façon non seulement pour lui mais aussi pour son public d’aller mieux.
Refrain.
« Écrire, c'est capturer quelques souvenirs uniques dans des pochettes immenses C'est coller ses tympans sur l'enceinte afin d'approcher l'silence C'est l'insolence du cerveau d'celui qui à l'apogée s'élance C'est voir défiler sa vie dans l'noir jusqu'à la prochaine séance »
Tout au long du refrain, Nekfeu nous explique ce qu’écrire représente pour lui, ce que ça lui procure comme sentiments.
Pour Nekfeu, l’écriture est une façon de figer des souvenirs qui n’existeront plus sur le papier. On retrouve cette idée dans le son « Éternité » de Jazzy Bazz et où il est en featuring.
La musique lui permet de s’évader, de trouver la sérénité qu’on associe souvent au silence, pour Nekfeu, au contraire, c’est collé ses tympans sur l’enceinte et donc, écouter de la musique.
La dernière phrase peut faire reference au fait qu’avant de pouvoir réécrire (prochaine séance), il faut qu’il ait des choses à raconter et donc à vivre. Il ne peut que voir défiler sa vie. Comme on sait que Nekfeu écrit beaucoup sur des sujets tristes, c’est peut-être ce qu’il entend par « dans le noir ».
Second couplet.
« Nos rêves mystiques défient la science et leurs erreurs d'affiliation Un chemin plein d'déviations alors on mène des vies à cent à l'heure »
Les rêves mystiques font référence à l’envie de connaître les choses secrètes, les mystères, comme il le dit dans « Malevil ».
De fait, c’est un domaine assez spirituel, ce qui va un peu à l’encontre du domaine scientifique. Il dit aussi que parfois, la science affilie des choses qui seraient scientifique mais qu’ils se tromperaient.
Ensuite, il nous dit que malgré les déviations qui se présentent sur son chemin, les obstacles, il vivra sa vie à 100% et de la vivre sans réfléchir.
« Il faut choisir un camp, donc les idées se simplifient Quand j'te demande : "C'est ça qu'tu voulais faire plus tard ?", je sens qu'tu fuis »
Dans la société actuelle, on a pas un réel choix, un libre-arbitre. Comme Nekfeu le dit par exemple dans « Avant tu riais », le sytème nous donne l’impression d’être libre mais en réalité nous impose ses idées peu importe le « camp » que l’on choisit.
Dans cette vision de pensée, on peut comprendre la phrase suivante comme Nekfeu qui demande à quelqu’un si ce qu’il fait lui plait réellement ou est juste adapté aux normes sociétaires imposées. C’est souvent le cas: certaines personnes abandonnent leur rêve jugé trop « différent » pour entrer dans le moule.
« Et les valeurs humaines se perdent, au détriment du scientifique Quand l'homme moderne ne devient plus qu'un être immonde qu'on sanctifie »
Pour Nekfeu, on perd nos valeurs humaines, le système nous enferme dans une sorte de clonage (« Nique les clones pt.II » en parle en long et en large, tout comme l’album « Cyborg ».), de système automatique, monotone, à l’instar de la science qui se veut très automatique, rationnelle.
L’Homme d’aujourd’hui n’est plus bon. Nekfeu exprime déjà cette pensée dans « Le bruit qui court » en disant que "L'Homme était bon avant qu'il souffre".
« J'adopte une vision large, évitant ceux qui pour quelques dollars changent Les faux-amis qui t'rendent service et qui t'réclament de l'argent »
Nekfeu va être plus attentif à qui l’entoure, il va agrandir sa vision pour repérer les personnes qui ne veulent que son argent et qui sont prêts à changer de comportement pour l’approcher, afin de les éviter.
« J'dis qu'ça va, mais là j'mens, j'ai juste envie d'dire "Lâche-moi" Parfois j'ai peur d'blesser les gens, alors j'réagis lâchement »
Cette phrase fait écho à la phrase du premier couplet: « J’m’intériorise et j’me replie ».
Il préfère mentir, cacher ce qu’il pense vraiment afin de ne pas blesser la personne qui s’inquiète pour lui.
« J'aime pas trop m'étendre quand on m'déçoit, comprends mes doutes Et mes erreurs compromettantes, quand mon cœur fait battre mes tempes »
Nekfeu n’est pas du genre à étaler ses déceptions, il n’aime pas en parler encore et encore.
Il nous demande ensuite de comprendre qu’il puisse douter et commettre des erreurs lorsque le sang lui monte à la tête. C’est en général à ce moment là qu’on fait ou dit des choses qu’on ne pense pas.
« Moi, j'suis le même qu'au premier temps, un putain d'grec Soit on trace, soit on crève, cœur de glace, mes larmes se voient pas sous la grêle »
Tout d’abord, Nekfeu nous rappelle qu’il sait d’où il vient, qui il est.
Il remixe ensuite l’expression « marche ou crève » par « trace ou crève », on peut lier cette expression au fait que, comme il le dit plus tôt dans le morceau, il mène une vie à cent à l’heure, il n’a pas le temps de marcher.
« J'sais pas trop c'qu'on m'destine après, mais je ne crains plus, ces maquerelles J'laisse une empreinte éphémère comme le tracé que dessine ma craie »
Nekfeu ne sait pas de quoi son avenir sera fait mais il n’en a désormais plus peur, contrairement au Nekfeu d’avant LEVE qui s’en inquiétait. Ça montre une certaine évolution et une prise de maturité qu’il a pu acquérir.
De même, il sait qu’il n’est que de passage, il laisse une empreinte qui finira tôt ou tard par s’effacer. Il utilise l’image de la craie pour symboliser le fait qu’il sera facile à effacer et à remplacer par autre chose.
« Pas d'simagrée, même si les signes sont gravés c'est crade ici Tous indécis malgré les cimes qu'on gravit c'est gravissime»
Nekfeu nous dit qu’il ne fait pas de grimaces, il est sincère. D’après RapGenius, il parlerait des tags des quartiers en évoquant les « signes gravés », qui ne seraient ni pour attire l’attention, ni pour tromper les gens sur l’état de ceux-ci.
Il nous dit ensuite que malgré mes montagnes (=cimes) qu’il a réussi à gravir avec son équipe, les obstacles qu’ils ont pu surmonter et les choses qu’ils ont pu accomplir, ils hésitent dans leurs choix, sûrement en terme d’écriture si on prend le « L’Entourage, on écrit pour toi » qui suit.
Outro.
« Écrire, c'est... c'qui m'a rendu ma liberté Écrire, c'est... ce qui nous lie... toi (Toi) »
Il conclut ce morceau en nous avouant qu’écrire, c’est ce qui l’a libéré, à la fois des maux et des mots qui le torturaient, mais aussi parce qu’il peut dire ce qu’il souhaite dans ses textes. Il n’est pas censuré, il est libre d’imaginer ce qu’il veut.
Il renforce cette idée de liberté spirituelle avec la première phrase de « Ciel Noir », qui est liée à « Écrire », « Ciel Noir » commençant par une réponse directe au « Toi » par un « Moi » et reprenant le schéma du refrain.
Il termine ce morceau en nous disant qu’écrire c’est à l fois ce qui le lie à son auditeur mais aussi, c’est ce qui le lie à son ex, c’est l’une des seules façons qu’il a de « revivre » des bribes de leur histoire et de parler d’elle.
Enfin, Nekfeu offre un véritable coup de génie à mon sens, puisque, « Écrire » est liée à « Ciel Noir », comme dit un paragraphe en arrière. On pourrait interpreter cette dernière phrase comme une façon d’annoncer le lien avec le son suivant, « Écrire » devenant le « toi » final et « Ciel Noir » devenant le « moi » de son propre début.
Quand Nekfeu écrit “Et les valeurs humaines se perdent, au détriment du scientifique”, et ton interprétation le confirme, il y a une erreur dans le choix des mots. “Au détriment du scientifique" signifie que le scientifique subit un préjudice, ce qui est contradictoire avec l'idée que les valeurs humaines se perdent en favorisant l'aspect scientifique. C’est une confusion de Nekfeu qui parfois maîtrise mal l’écriture.